Antoine Vaccaro – Président du CerPhi- est intervenu lors de la 16 ème édition du Festival del Fundraising qui a eu lieu à Riccione en Italie les 5-6-7 juin 2023 : Que retenir des évolutions récentes de la philanthropie italienne ?
Invité, par Sebastiano Moneta PDG de Dataprosper, à intervenir lors d’une session au Festival del Fundraising les 5-6-7 juin 2023, l’équivalent de l’IFC néerlandais ou du Séminaire francophone de la collecte de fonds qui se tient chaque année à Paris, je souhaitais livrer quelques impressions et réflexions sur l’évolution comparée du secteur philanthropique français et italien.
J’ai eu l’honneur de prendre la parole lors d’une session, et j’ai été frappé par plusieurs observations concernant l’évolution du secteur philanthropique en France et en Italie.
« Force, optimisme et aisance… »
Pour commencer, l’idée de baptiser un rassemblement de plus de 1250 professionnels du fundraising « festival » est tout à fait latine, un slogan joyeux et dynamique. L’événement, qui s’est déroulé dans un palais des congrès en bord de mer, était méticuleusement préparé. Avec son design inspirant, des ateliers, des conférences et des intervenants de qualité, il n’a rien à envier à l’IFC ou à notre séminaire francophone.
Ce qui m’a le plus touché, c’est la sensation de force, d’optimisme et d’aisance qui se dégageait de chaque intervention. Il existe une communauté de pensée, une grammaire commune, une conscience collective qui transpire et qui montre que nous faisons tous partie du même mouvement, utilisant les mêmes outils, concepts et expériences, au-delà des frontières.
La générosité des Italiens : au 3ème rang en Europe
Quant à la générosité des Italiens, elle se place au troisième rang en Europe en valeur absolue, avec 9,4 milliards d’euros, derrière les Britanniques (25,4 milliards d’euros) et les Allemands (23,8 milliards d’euros). Cependant, en valeur relative, ce sont les Néerlandais, les Suisses et les Luxembourgeois qui sont en tête en fonction du nombre d’habitants. On note aussi que les pays les plus généreux sont majoritairement de confession protestante.
En jetant un regard en arrière, je ne peux m’empêcher de comparer l’évolution du secteur en France et en Italie. En 1990-1991, lors de la grande messe de l’IFC à Amsterdam, la délégation française, composée d’une douzaine de fundraisers, faisait figure de précurseur. Le secteur du fundraising italien nous semblait alors très restreint. Cependant, en l’espace de trente ans, les courbes d’évolution des deux secteurs semblent s’être croisées à l’avantage des Italiens.
Pourquoi une telle transformation ?
Plusieurs hypothèses peuvent être avancées. D’abord, en 1991, de nombreuses fondations influentes ont vu le jour en Italie, y compris celles issues de la privatisation d’importantes institutions d’épargne publiques régionales. :(Fondazioni : Cariplo, Cassa di Risparmio di Torino, Cassa di Risparmio di Padova e Rovigo (CARIPARO), Cassa di Risparmio di Firenze. Cassa di Risparmio di Bologna et Banca del Monte di Lucca. Ensuite, l’évolution du cadre juridique et fiscal à la fin des années 1990 a également joué un rôle. Par exemple, les dons de particuliers à des œuvres de bienfaisance peuvent être déduits de leur revenu imposable jusqu’à 30% du montant du don.
De plus, l’impact de la crise économique de 2008 a renforcé le besoin de contributions philanthropiques, entraînant une augmentation des dons individuels et de l’engagement des entreprises. Parallèlement, l’adoption des nouvelles technologies et l’intégration de la responsabilité sociale des entreprises (RSE) dans les modèles d’affaires ont été décisives.
Néanmoins, ces mesures sont assez similaires à celles adoptées par le système philanthropique français. Ce qui distingue l’Italie, c’est la dynamique de sa société civile, influencée par un régionalisme défiant d’un État central et par conséquent providence perçu comme insuffisant. De plus, l’influence de l’église catholique, notamment du Vatican, et une forte ferveur religieuse encouragent les donateurs à donner généreusement à l’église et à ses œuvres sociales.
Enfin, les Italiens ont peut-être plus facilement adopté le modèle anglo-américain en raison de leur moindre attachement à l’exception culturelle, concept si cher aux Français.