Partie 3 et fin – Conclusion Thèse de 3ème cycle: ‘’La bataille pour la générosité’’. Dauphine. Janvier 1986 par Antoine Vaccaro

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…. L’Etat, en organisant le contrôle des OCR « mastodontes » pourra leur léguer la surveillance de centaines, sinon de milliers d’autres associations qui seront leurs « clientes ».

Sur un plan plus vaste et qui touche au principe même d’association, on devine un certain nombre de conséquences dont :

  1. La professionnalisation des associations.

Derrière le mot professionnalisation, se profilent divers problèmes :

– L’opposition au sein même du milieu associatif de la tendance « mouvement » et de la tendance « institutionnalisation » mettrait en évidence l’échec de la troisième voie, que les associations souhaitent incarner entre l’Etat et le marché.

Au fur et à mesure que la tendance « institutionnalisation » s’affirme par sa capacité à mieux gérer, à être plus efficace, grâce à la transposition de l’expérience de l’entreprise, elle supplante la tendance « mouvement.

– L’avenir du militantisme, du volontariat, déjà fortement compromis par le grand mouvement de refus des idéologies et des appareils, soutenu par le développement d’une nouvelle forme de participation financière aux dépens de l’engagement « physique », devient de moins en moins radieux. La crise aidant, les catégories ci-devant, revendiquent une rémunération de leur temps. Ce mouvement s’amplifie dès lors que l’association se professionnalise.

– L’enjeu sur l’emploi set sur la réinsertion sociale des exclus du marché du travail est posé de façon différente.

-Même si le secteur associatif peut, par certains cotés aider à une résorption très limitée du chômage, perdant de sa spécificité, il risque de ne plus jouer son rôle de secteur alternatif pour un grand nombre d’individus.

-La professionnalisation des associations, qui signifie la reproduction du type de rapports existant déjà dans les secteurs d’où émigrent les exclus rejetteraient une population qui ne trouverait plus de champs où l’agir « autrement » serait encore la règle. Ainsi, le rôle de réinsertion que veut jouer le secteur associatif ne serait plus qu’une pétition de principe sans réelle portée.

2. La « mercantilisation du financement privé des associations.

La grande conclusion à laquelle nous aboutissons à l’issue de ce travail est que les organisations de l’étude relèvent sans aucun doute du non lucratif, du non profit, mais ne peuvent être classées de non marchandes. Du moins pour une part de leur activité constituée par la recherche de financements privés.

Cette conclusion apporte un élément au débat sur l’identification d’un tiers-secteur non marchand. Ce constat n’est pas mince. Il montre qu’une catégorie d’associations, de  fondations, dont la vocation est la bienfaisance, l’aide humanitaire ; dont la finalité est très souvent de prévenir ou de corriger les dégâts commis dans les sphères de l’économique et du social, une catégorie d’organisations qui fonctionne sur la base d’idéaux puisés à mille lieux du mercantilisme, s’adresse au marché pour obtenir les moyens matériels et financiers lui, permettant de mener à bien sa mission.

On aboutit ainsi à opposer dans le projet associatif la démocratie participative à la démocratie par le don.

Au schéma traditionnel de fonctionnement de l’association qui repose sur le triptyque : associés-volontaires-bénèvoles vient se greffer un autre mode de fonctionnement qui s’appuie sur la dynamique donateurs-concommateurs-professionnels.

L’association pour l’association perd peu à peu de son sens et est reléguée dans des champs très précis de la vie associative comme l’amicale de boules, par exemple.

On assiste alors à la dénaturation du projet associatif qui est avant tout une pratique.

Mais cette conclusion apporte une contribution à un autre débat qui occupe philosophes et sociologues et qui porte sur l’avenir de l’économie de marché et son irrésistible déclin.

Alain Baudrillard qui prophétise la fin de la valeur d’usage,  contredisant la vision de Yvan Illich qui annonce le retour des valeurs vernaculaires nous avons montré comment la logique du marché a envahi le champs de l’échange gratuit (le financement par le don en est une illustration), au point de réduire le don aux OCR en un  produit commercialisable.

En suivant cette logique jusqu’au bout, nous sommes venus à considérer le donateur qui soutient l’action des OCR, non plus comme : un mécène, un bon samaritain, mais comme un consommateur, achetant un produit selon une logique qui emprunte aussi aux fonctions d’utilité qu’étudient les économistes.

Le cadre de la loi sur le don aux associations ne fait rien pour atténuer ce glissement et peut être même accentue cette « mercantilisation. En effet, aucune place n’est faite dans les textes et dans la pratique à ce nouveau type de participant à la vie associative : le donateur. Celui-ci n’a pas voix délibérative à l’assemblée générale des « associés ». On lui demande de donner et de se taire. Quelle aubaine de disposer d’un financement qui n’a pas voix au chapitre. Déjà, accablé d’un ensemble d’adjectifs qui semblent faire du donateur une sorte de brave type, bien gentil, mais pas très finaud, on lui demande en plus et surtout de ne pas donner son avis.

Dès lors, il ne lui reste pour exprimer son accord ou son refus que le renouvellement ou l’arrêt des dons qu’il octroie aux OCR. Cette attitude ressemble fort au mode de sanction en vigueur sur le marché des biens et des services. « Je suis satisfait du produit et je lui suis fidèle. Je ne suis pas satisfait, je change de marque… »

Ne pouvant exprimer son avis par le vote, le donateur l’exprime par d’autres moyens.

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