Comment aider les donateurs à optimiser leurs dons ? En mettant à jour les problèmes sociaux oubliés, ceux dont le coût social est le plus élevé et ceux sur lesquels l’aide des associations a le meilleur impact. C’est ce que permettent les méthodes évaluations des économistes selon les chercheurs du New Philanthropy Capital (NPC) [1]. Benedict Rickey [2], chercheur au NPC et coauteur d’une recherche sur l’évaluation dans le domaine de la santé mentale [3], livre au CerPhi l’état de la réflexion du NPC sur ces questions.
Optimiser les dons. Au premier abord, cette phrase peut sembler contradictoire. Dans notre société l’acte de donner est perçu comme un acte moral. Par conséquent le don et le secteur associatif plus généralement sont en opposition par rapport à des concepts venant du secteur privé comme l’efficacité ou l’évaluation. Pourtant, les donateurs en aurait besoin afin de donner de façon plus pertinente aux causes qui mériteraient le plus d’attention et, en sélectionnant les associations ayant un impact réel sur le public ciblé. Certaines méthodes empruntées aux économistes pourraient aider à optimiser leurs dons. C’est dans cette optique qu’une équipe de chercheurs appartenant à l’organisation New Philanthropy Capital (NPC) à réalisé une étude ambitieuse : aider des donateurs à optimiser les dons grâce à l’évaluation. Quelles sont les leçons à tirer de ce projet pour le secteur associatif français ? Cet article nous permettra de découvrir en quoi ces méthodes sont utiles, et enfin quels sont les avantages pour le secteur associatif et ses usagers à les adopter.
D’abord, pourquoi ces méthodes peuvent s’avérer être utiles pour le secteur caritatif ? La thèse défendue par NPC consiste à affirmer que les philanthropes ont un devoir moral de cibler leurs dons plus efficacement. Trop souvent, les raisons qui motivent un don sont personnelles et, par conséquent, la façon dont ils choisissent une cause est assez subjective. Ceci engendre des effets sur la distribution de ressources dans le secteur associatif qui peuvent s’avérer choquants. En 2009, le Directeur de NPC publiait un article [4] démontrant qu’un seul sanctuaire d’ânes recevait plus de la part du grand public que les trois plus grandes associations réunies venant en aide aux femmes battues. « Je crois que ce déséquilibre dans la façon dont ces organisations reçoivent des fonds […] est honteux […] injuste, immoral et il faut le corriger » a-t-il déclaré. Cet exemple soulève un problème plus général dans le secteur associatif. En effet, certaines causes qui vont développer chez le public un fort degré d’empathie, comme les animaux ou les enfants, ont tendance à attirer des sommes colossales. En revanche, les causes plus complexes, moins médiatisées, mettant l’accent sur des populations en marge de la société, comme par exemple les prisonniers, les femmes battues ou encore les personnes souffrant de problèmes mentaux, auront plus de mal à récolter des fonds.
Comment peut-on alors encourager les donateurs à réorienter leurs dons vers ces causes « mal aimées » qui méritent une plus grande attention ? Pour cette étude, NPC a entrepris une démarche simple : utiliser les méthodes empruntées aux économistes pour répondre à deux questions.
Premièrement, « Quels sont les problèmes qui frappent le plus durement notre société ? » Examiner le coût des problèmes sociaux est un très bon indice. De plus en plus d’études permettent d’estimer combien ces problèmes sociaux coûtent à la société. Il suffit donc d’en faire la synthèse. C’est ainsi que début 2011, NPC s’est penché sur des centaines d’études analysant le coût de trente problèmes sociaux qui touchent le Royaume-Uni. Parmi ces problèmes, les trois qui sont les plus onéreux sont : les adultes atteints de problèmes de santé mentale, les adolescents souffrant de problèmes de comportement, et les familles souffrant de multiples problèmes. Chacun de ces problèmes avait un coût significatif. Par exemple, on estime que les problèmes de santé mentale coûtent 67 milliards de Livres à la société britannique par an, soit l’équivalent de ce que le gouvernement britannique a emprunté aux banques depuis la crise.
La seconde question sur laquelle nous nous sommes penchés est la suivante « Quels types d’interventions permettent de trouver une solution à ces problèmes sociaux ? » La réponse à cette question se trouve, encore une fois, dans les chiffres. Cette fois-ci, nous nous sommes penchés sur les évaluations, une science qui utilise souvent des techniques empruntées aux économistes. En analysant de multiples évaluations, notre but était d’identifier les interventions les plus efficaces, autrement dit celles qui engendrent le plus grand changement dans la vie des personnes. Nous n’avons trouvé que peu d’évaluations robustes, ce qui a rendu la tache très difficile. Le manque d’évaluations est un problème plus large qui touche le secteur associatif. En tant que philanthrope, il est donc très difficile de tirer des conclusions sur ce qui marche et ne marche pas dans le cadre du secteur associatif. Il faut donc d’avantage d’évaluations des interventions livrées par des associations si nous voulons que les philanthropes optimisent leurs façons de donner.
Utiliser des techniques économiques pour optimiser les dons est un exercice difficile et complexe. Pourquoi, alors, s’y aventurer ? Parce-que, comme nous l’avons découvert au cours de notre étude, cette démarche peut porter ses fruits. Premièrement, elle peut nous aider à cibler les problèmes mal aimés du public et non médiatisés, qui peinent à récolter des fonds. Deuxièmement, elle nous permet de diriger plus de fonds vers les services efficaces, avec un bénéfice plus grand pour les usagers. Troisièmement, et peut être le plus étonnant, ces techniques sont un levier pour l’innovation. Si nous prenons, par exemple, les problèmes de santé mentale, nos recherches ont révélé qu’une grande partie des personnes souffrant d’un problème de santé mentale ont un travail, mais ont des périodes d’arrêt maladie plus longues. Souvent ses personnes peuvent récupérer plus rapidement si elles reçoivent un soutien adéquat . Un soutien efficace compte normalement des managers entrainés pour identifier ces problèmes et puis, pour ceux qui sont en arrêt maladie, l’accès à des conseillers spécialisés dans la réintégration de ces personnes dans le monde du travail. La plupart des personnes recevant un soutien adapté de la part de leur entreprise peuvent retourner au travail. Ce problème coûte cher aux entreprises, qui ont par conséquent un intérêt financier à faire en sorte de cibler ces problèmes. Il existe là une opportunité conséquente de partenariat entre les entreprises et les associations luttant contre les problèmes de santé mentale.
En conclusion, optimiser les dons est certes difficile mais les techniques empruntées aux économistes pourraient aider à la tâche en mettant à jour les problèmes sociaux oubliés, ceux dont le coût social est le plus élevé et ceux sur lesquels l’aide des associations a le meilleur impact Mais, la question reste : le secteur associatif français – philanthropes et associations- est-il prêt à les adopter ou même les essayer? Ceci reste à démontrer.
Benedict Rickey
New Philanthropy Capital
[1] http://www.philanthropycapital.org/default.aspx
[2] http://newphilanthropycapital.wordpress.com/author/benrickey/
[3] http://www.philanthropycapital.org/publications/health/mental_health/employment.aspx
[4] http://newphilanthropycapital.wordpress.com/2009/10/22/why-i-dont-support-animal-charities/