L’étude sur « les Mendicités à Paris et leurs publics » réalisée par le CerPhi en partenariat avec la Fondation Caritas France et La Vie, a permis au magazine de traiter le sujet, souvent abordé par les médias, sous un angle résolument humain et au delà des idées reçues.(« Mendiant, un dur métier ! » La Vie, 12 mai 2011)
Pour Jean-Marie Destrée, Délégué Général Adjoint de la Fondation Caritas France :
« L’étude apporte de la matière première, qui pour nous a cette grande qualité d’humaniser, de sortir du cliché, de toucher les émotions. »
Qu’est-ce qu’il était important pour vous de mieux comprendre ou d’éclairer grâce à cette étude ?
La Fondation Caritas France a pour mission principale de soutenir des initiatives de lutte contre la pauvreté et l’exclusion. Mais nous avons aussi la volonté de contribuer au financement de projets qui permettent une meilleure compréhension et in fine une meilleure action sur les questions de pauvreté et d’exclusion. C’est, à mon sens, un domaine qui n’est pas suffisamment exploré.
La mendicité dans Paris est une pratique que l’on ne peut pas ignorer. Mais nous sommes tous, à titre personnel comme au titre des institutions, assez dépourvus devant ces phénomènes que l’on connaît mal. Avoir des récits de vie de certaines de ces personnes nous est apparu comme une façon d’humaniser les acteurs de cette pratique et d’aller au delà des simples constats. Avoir une approche économique du modèle me paraissait aussi intéressant. Savoir que ces personnes consacrent une journée entière pour collecter, pour les plus habiles, entre 15 et 30 €, est un élément d’information important, et qui n’avait jamais été, à ma connaissance, estimé. Avoir quelques éléments de compréhension sur les interactions qui se jouent entre la personne qui mendie et la personne qui donne nous a semblé aussi intéressant. Le regard porté par les personnes qui mendient sur les personnes qui donnent (ou ne donnent pas ) est plein d’humanité, de tolérance, d’acceptation. Ce point de vue n’avait encore jamais été recueilli. L’intention était d’approcher la mendicité d’une façon qui l’humanise. Cela correspond bien à nos valeurs, à ce que nous sommes et à l’importance que nous accordons à la personne.
Le CerPhi a mis en oeuvre une démarche d’étude basée sur l’observation des pratiques sur le terrain. Quel est pour vous l’apport de ce type de méthodologie ?
L’association Secours Catholique, qui côtoie tous les jours des personnes à la rue, est certainement un des lieux où cette information existe, mais de manière un peu brute, non exploitée et non organisée. C’était intéressant pour la Fondation Caritas en tant que financeur et l’association Secours Catholique en tant qu’acteur, d’avoir une mise en lumière de réalités qui ne sont pas totalement inconnues mais qui n’ont jamais été mises en perspective de cette manière là.
De votre point de vue, en quoi cette étude est-elle utile et à qui ?
L’étude est très riche, très dense, et elle est encore récente. Il faudra un peu de temps pour l’exploiter.
Quand on pense à la pauvreté et à l’exclusion, la figure première qui vient à l’esprit est celle de la personne qui mendie. Mais il y a peu de travaux qui abordent cette dimension anthropologique et ces parcours de vie. L’étude apporte de la matière première, qui pour nous a cette grande qualité d’humaniser, de sortir du cliché, de toucher les émotions. C’est extrêmement utile.
Il faudra trouver les bonnes façons d’utiliser ce matériau pour continuer à faire connaître ces pratiques et à appeler à la compassion. Si la démarche de mendicité peut être ressentie comme gênante, elle est pourtant tout à fait indispensable et vitale pour les gens qui la pratiquent. C’est auprès du public qui n’a pas l’occasion d’entrer en relation avec les personnes qui sont à la rue, que l’étude peut contribuer à faire passer ce message.