Face au besoin de développer de nouvelles sources de financement, de plus en plus d’associations en Angleterre ont recours à l’évaluation d’impact.
Si elle peut être considérée comme un outil pertinent pour maximiser le fundraising, l’expérience montre qu’elle aide aussi les associations à devenir plus efficaces, plus dynamiques, plus influentes…
Benedict Rickey, consultant de New Philanthropy Capital, fait le point sur la question pour le CerPhi.
De plus en plus d’associations, en Grande-Bretagne comme en France, évaluent leur impact social. Certaines associations voient en l’évaluation un outil de fundraising permettant de prouver leur impact auprès des bénéficiaires et ainsi d’attirer de nouveaux donateurs. Notre étude publiée l’année dernière – A journey to greater impact – démontre que la réalité est beaucoup plus complexe.
Il est vrai que pour certaines associations, le simple fait de commencer à évaluer leur impact peut améliorer leur situation financière. En effet, démontrer son impact social peut ouvrir l’accès à de nouveaux fonds venant de donateurs comme les «venture philanthropists» qui exigent de la part des associations une preuve de leurs résultats. Prenons l’exemple de London Pathway, une petite association qui entre en contact avec des sans-abris dans les services d’urgences des hôpitaux de Londres et leur offre un suivi médical et social. Six mois après sa création, l’association a publié une évaluation, démontrant que leur service avait réduit la somme d’argent dépensée par l’hôpital pour les sans-abris. L’année suivante, l’association a récolté presque €1.2 million, un succès qualifié par le directeur de « preuve incontournable des bénéfices de l’évaluation ». Par ailleurs, l’évaluation peut contribuer à la création d’un revenu stable sur le long terme, en fidélisant certains donateurs comme le montre l’exemple de l’association Edinburgh Cyrenians travaillant auprès des sans-abris en Ecosse. « Les philanthropes sont très satisfaits de l’action de l’association. Ils nous disent qu’ils nous soutiennent parce que le changement que nous réalisons est visible », a expliqué le directeur.
Cependant, l’évaluation ne suit pas les règles d’une bonne campagne publicitaire – elle ne se traduit pas automatiquement en monnaie sonnante et trébuchante. Les bénéfices financiers ne suffisent en fait que rarement à justifier l’investissement dans des programmes d’évaluation. Alors pourquoi autant d’associations évaluent-elles leur impact? La réponse est simple : l’évaluation aide ces associations à devenir plus efficaces, plus dynamiques et plus influentes.
Efficaces, car elle leur permet d’améliorer leurs services. Par exemple, WRVS, une association nationale venant en aide aux personnes âgées, a effectué une évaluation de ses cafeterias se trouvant dans les hôpitaux, qui sont une source de revenus conséquente pour l’association. L’évaluation a révélé que ces cafeterias pourraient être, en plus d’une source de revenus, « un moyen de faire connaitre nos services à des millions de personnes âgés vivant des moments difficiles et stressants », selon les termes de leur directrice. Depuis cette évaluation, WRVS a décidé de relier ces cafés à leurs autres services.
Dynamiques, parce que l’évaluation peut motiver les employés d’une association, comme l’a prouvé le Latin American Youth Center (LAYC), centre de jeunes dans un quartier sensible de Washington DC, aux Etats Unis. En 2005, LAYC a recruté un Chargé d’Evaluation, Isaac Castillo, qui a mis en place un système d’évaluation. Dans un premier temps, les employés semblaient sceptiques quant à la valeur ajoutée de ce nouveau système. Aujourd’hui, ces mêmes employés se disent «inspirés» par les résultats que ce système permet de mettre à jour.
Enfin, influantes, parce qu’en évaluant leurs services, les associations peuvent identifier des interventions efficaces, et ainsi contribuer au débat politique et social. Le Brandon Centre, centre de thérapie pour les adolescents souffrant de troubles psychiques à Londres, montre qu’une petite association de quartier peut influencer les politiques publiques. Ce centre a importé des Etats-Unis un nouveau modèle de psychothérapie et a évalué son efficacité en Grande-Bretagne. Impressionné par les résultats réalisés par le Brandon Centre, le Department of Health (Ministère de la Sante) a décidé d’investir €20 millions dans neuf programmes pilotes à travers le pays afin de tester son efficacité dans d’autres contextes. « Grace à l’évaluation de notre nouveau modèle de psychothérapie, nous avons désormais une voix au niveau national » a observé le Directeur du Brandon Centre.
L’évaluation peut donc être un outil de fundraising, et a été utilisée par de nombreuses associations pour lever des fonds ou fidéliser des donateurs. Néanmoins, les associations qui ne conçoivent l’évaluation que comme un outil de fundraising risquent d’être déçues. Il convient plutôt d’imaginer l’évaluation comme un couteau suisse, autrement dit, comme un outil possédant diverses fonctions. Elle peut contribuer à rendre une association plus efficace, plus dynamique, plus influente, et aussi mieux financée.