En mars, Thomas Cambassédès pensait avoir tout perdu. Après un hiver glacial, les ruches de ce jeune apiculteur, installé à Caramany, dans les Pyrénées-Orientales, ont été détruites par le gel et par la crue de l’Agly, qui a emporté celles qu’il avait disposées près de la rivière pour la pollinisation des abricotiers.
En désespoir de cause, plutôt que de se tourner vers les banques, Thomas décide de solliciter l’aide des internautes pour se relancer. Il teste My Major Company, le premier site français de financement participatif, ouvert depuis 2007. Bien vu : en quelques semaines, 409 contributeurs lui ont versé 27 378 euros, de quoi repartir du bon pied. Pour une participation de 45 euros, les donateurs ont reçu sept pots de miel. Au passage, la plate-forme a prélevé sa dîme, 10 % du montant, tout de même.
Faire appel à la générosité des internautes plutôt qu’à une banque pour financer un projet, l’idée s’impose de façon spectaculaire. En France comme dans le reste du monde, le « crowdfunding » (« financement par la foule ») décolle. Selon le cabinet américain Massolution, ce marché devrait bondir de 88 % en 2013, et atteindre 5,1 milliards de dollars (3,7 milliards d’euros). Et le rythme s’accélère. Il existe plus de 800 plates-formes de ce type dans le monde, dont une cinquantaine dans l’Hexagone.
Distancée, la France met les bouchées doubles pour combler son retard. Début 2014, elle sera le premier pays à se doter d’un cadre juridique consacré au crowdfunding. Lors des Assises du financement participatif, qui se sont tenues fin septembre à Bercy, Fleur Pellerin, ministre des PME, de l’innovation et de l’économie numérique, a dévoilé son projet de réglementation.
Il prévoit la création d’un statut spécifique de « conseiller en investissement participatif », la simplification des procédures en cas d’offre au public de titres financiers et la possibilité de réaliser des prêts rémunérés entre particuliers. Cette dernière mesure est une pierre dans le jardin des banques, qui voient apparaîtreune concurrence inattendue. Revue de détails des trois familles qui comptent dans la galaxie du crowdfunding.
Lire : Crowdfunding : un cadre simplifié pour le financement participatif
LE DON PROSPÈRE
Les plates-formes de don, qui permettent de financer des milliers de projets en quelques clics, sont les plus nombreuses. Pour chaque projet, l’emprunteur précise un objectif à atteindre. Si la collecte est un succès, il peut réaliser son dessein et offrir à ses donateurs des contreparties dont la valeur dépend du montant du don.
Un projet collecte en moyenne entre 3 000 et 5 000 euros. Ces plates-formes se rémunèrent en prélevant de 5 % à 10 % des sommes obtenues. « Pour réussir une campagne, explique Vincent Ricordeau, fondateur de KissKissBankBank, il fautcommencer par mobiliser ses amis et sa famille autour de son projet. S’ils ne vous suivent pas, personne ne le fera. Si la mayonnaise prend, vous pourrez ensuite toucher un public plus large. »
Consulté par Bercy, il estime que son activité n’a pas besoin d’être régulée : « Dans le don, les risques sont limités : au pire, l’internaute perd l’argent qu’il a donné. C’est le porteur qui prend le plus de risques, car sa crédibilité est en jeu ! » Les faits semblent lui donner raison, puisque très peu d’incidents ont été relevés, malgré le nombre de projets proposés.
Parmi la trentaine d’acteurs français qui se sont lancés sur les traces du leader mondial, l’américain Kickstarter, les mieux placés pour s’imposer sont Ulule, Kisskissbankbank et My Major Company. Ces sites, qui revendiquent tous le statut de leader du crowdfunding en France, connaissent une croissance fulgurante. Kisskissbankbank, qui compte 138 000 membres, a collecté 6,6 millions d’euros et annonce un taux de réussite de 58 % pour les projets financés.
Depuis octobre 2010, Ulule a permis de financer 3 050 projets pour 10 millions d’euros collectés. « Notre site est décliné en six langues ; nous sommes le seul acteur véritablement européen », dit Mathieu Maire du Poset, responsable des projets chez Ulule.
Voir la suite de l’article sur : http://www.lemonde.fr/economie/article/2013/10/20/la-france-se-met-a-l-heure-du-crowdfunding_3499710_3234.html