Dans cet article publié sur le site PhiLab, les auteurs, professeurs ou chercheurs en Suisse, synthétisent différents points de vue portés sur les politiques fiscales en faveur des organisations d’intérêt général. Ils tentent d’expliquer pourquoi les avis sont si divergents sur le bien-fondé de ces politiques. Un débat loin d’être facile à trancher, d’autant que la philanthropie bénéficie d’une image positive et la dimension politique de ces incitations fiscales est le plus souvent ignorée.
Les auteurs commencent ainsi par rappeler que toute décision en matière fiscale détermine des choix politiques, économiques et sociaux qui renvoient à différentes conceptions de la société. Or, la question des incitations fiscales en faveur de la philanthropie est davantage traitée comme une question juridique que politique, du fait notamment d’une certaine technicité du sujet. Les partis politiques s’en emparent de ce fait assez peu et ne posent pas la question de la pertinence des incitations fiscales par rapport à d’autres outils de politique publique pour l’intérêt général.
Plusieurs points de vue se font face sur cette question, notamment en Suisse, dont cet article traite plus spécifiquement. Si les parlementaires, juristes et groupes d’intérêt sont pour une augmentation des incitations fiscales en faveur des donateurs et des organisations d’utilité publique, les autorités publiques semblent quant à elles défendre le statut quo. Une autre position est adoptée par des auteurs qui questionnent les allègements fiscaux incitatifs et en demandent la limitation.
Les critiques à l’égard de ces dispositifs sont multiples malgré le succès qu’ils connaissent par ailleurs. Parmi ces critiques, les auteurs mentionnent le « double biais ploutocratique » par lequel ce serait finalement les moins fortunés qui paieraient, à travers leurs impôts directs ou indirects, pour les choix philanthropiques des plus riches. D’autre part, certains auteurs ont montré que seulement une petite partie des dons atteint ceux qui sont dans le besoin. Enfin, l’efficience de ces incitations est difficile à évaluer et ne pourrait donc pas être attestée mais seulement supposée.
Différentes réformes de la déductibilité des dons sont proposées par des économistes, politistes et philosophes afin d’aller vers plus de justice fiscale. L’objectif de ces réformes serait de supprimer les inégalités liées aux déductions fiscales. Une des solutions proposées est le crédit d’impôt à taux unique et pour des montants plafonnés, crédit qui pourrait être lui-même imposable. Une autre proposition, notamment faite par Julia Cagé (lire notre article sur son ouvrage), est de remplacer le système des déductions fiscales actuel par un système où chaque citoyen pourrait choisir, dans sa déclaration d’impôts, l’organisation à laquelle il veut allouer une somme qui serait la même pour tous.
Pour conclure, les auteurs pointent le fait que la charge morale et émotionnelle portée par les concepts de charité et de philanthropie fausse le débat sur le sujet. Il est difficile en effet de s’opposer à un phénomène connoté aussi positivement. Ils en appellent à un travail de mise en évidence de la dimension politique de la philanthropie et à une réflexion sur les injustices liées à ces incitations fiscales et à leur bien-fondé.