Veille – Restaurer la réciprocité : comment le secteur à but non lucratif peut aider le capitalisme à se sauver de lui-même – Un article d’Elizabeth A. Castillo

Veille

Organisations à but non lucratif de tous les pays : unissez-vous !

Dans cet article publié sur le site NonProfit Quarterly, Elizabeth A. Castillo* explique en quoi le secteur à but non lucratif devrait influencer les entreprises pour contrer les dérives du capitalisme qui menacent la démocratie et la société civile.

Elle rappelle que, déjà en 1944, l’économiste Karl Polanyi, dans son ouvrage La grande transformation, dénonçait l’enchevêtrement croissant entre Etat et marché, au détriment des intérêts du peuple. À mesure que le capitalisme se développait, il profitait de plus en plus à ceux qui avaient déjà des ressources, souvent au détriment de ceux qui n’en avaient pas.

L’Etat providence et le développement de mouvements sociaux et du secteur à but non lucratif sont venus contrebalancer les effets néfastes du capitalisme mais ces protections sociales se sont érodées avec le temps. Aujourd’hui, le système fonctionne mal et l’auteure en appelle aux organisations à but non lucratif pour protéger les valeurs sociales fondamentales et aider à créer de nouveaux systèmes de protection sociale. Ces organisations offrent en effet un modèle qui permettrait de restaurer la réciprocité dans le commerce.

Alors que les organismes à but non lucratif ont été exhortés au cours des deux dernières décennies à agir davantage comme des entreprises, ce sont désormais les entreprises qui doivent apprendre à davantage fonctionner comme les organismes à but non lucratif, si elles veulent être durables. Ainsi, le commerce doit rétablir la réciprocité au sein du processus d’échange. 

Certaines entreprises ont déjà commencé à intégrer de la réciprocité dans leur fonctionnement, investissant dans des actifs intangibles comme le capital social et intellectuel, et s’inscrivant dans une démarche à long terme. Mais le système actuel ne permet pas à ces entreprises de type mutualiste (par opposition au type parasitaire, qui agit au détriment des autres) de se multiplier car les entreprises parasitaires génèrent plus de profit sur le court terme et achètent un soutien législatif pour continuer de prospérer.

Or, pour l’auteure, l’économie ne peut être durable que si les entreprises s’inscrivent dans la réciprocité plutôt que dans le parasitisme. Le fonctionnement actuel crée toujours plus d’extraction mais pas plus de bien-être.

Les organisations à but non lucratif doivent ainsi montrer la voie pour que les entreprises adoptent des échanges réciproques. L’auteure détermine quatre propositions en ce sens :

  1. Mettre davantage en avant les bases de l’échange à but non lucratif : mutualisme et réciprocité, qui apportent des avantages systémiques pour la société.
  2. Adopter une approche capacitaire (Sen, 2009). L’activation d’un potentiel au niveau micro produit des effets au niveau macroéconomique.
  3. Apprendre à penser de manière dynamique, en prenant en compte plusieurs échelles temporelles et plusieurs niveaux interconnectés (individuel, organisationnel, communautaire, national et mondial).
  4. Reconnaître que les ressources ne se définissent pas uniquement par l’argent : les actifs intangibles (tels que les relations interpersonnelles, le savoir et la réputation) doivent être reconnus comme le principal moteur de la création de valeur dans les entreprises.

L’auteure conclut que ce n’est qu’en rétablissant la réciprocité comme principe économique directeur que nous pourrons assurer la prospérité des siècles à venir.

Les organisations à but non lucratif doivent devenir des donneurs de sens (Corley & Gioia, 2011), aidant le commerce à donner un nouveau sens à ses pratiques d’échange.

*Elizabeth A. Castillo est professeure adjointe en leadership et études interdisciplinaires au sein de l’Arizona State University.

Lire l’article (en anglais)

Source : https://nonprofitquarterly.org/

 

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